(MFI) L’Afrique tente par tous les moyens de rattraper son retard technologique en matière de télécommunications avec de réels progrès sur le plan des téléphones mobiles et des efforts encore insuffisants en ce qui concerne l’internet.
Des études publiées en octobre 2009 tant par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) que par l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, insistent sur la nécessité de nouveaux investissements, y compris dans les énergies nouvelles, pour éviter une fracture numérique de l’Afrique par rapport au reste du monde.
La Cnuced précise que le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile a augmenté plus rapidement en Afrique que dans toute autre région du monde depuis 2003. Ce nombre est à présent plus de 10 fois supérieur au nombre d’abonnés à la téléphonie fixe en Afrique, et plus de 20 fois supérieur dans les pays d’Afrique subsaharienne. La plupart des États africains se laissent toutefois distancer par les autres pays du globe pour ce qui est de l’accès Internet à haut débit, moyen de communication pourtant essentiel à la réalisation de nombreux objectifs en matière de développement économique et social, souligne l’organisation des Nations unies.
De 54 à 350 millions d’abonnés au mobile
Les dernières années ont été marquées par une croissance remarquable des télécommunications mobiles en Afrique. Ainsi, entre 2003 et 2008, le continent a vu le nombre d’abonnés bondir de 54 millions à plus de 350 millions, soit une augmentation de presque 550 %. La pénétration de la téléphonie mobile a touché en moyenne près des deux tiers de la population de l’Afrique du Nord et plus d’un tiers de la population sur l’ensemble du continent africain. Seuls cinq pays africains - le Burundi, Djibouti, l’Érythrée, l’Éthiopie et la Somalie - ont enregistré une pénétration inférieure à 10 pour 100 habitants.
Les opérateurs étrangers et africains ont investi des sommes considérables dans les infrastructures, en particulier dans les zones rurales, souligne l’OCDE. À côté des Européens - le français Orange, le britannique Vodafone et Tigo, filiale de Millicom, une multinationale basée au Luxembourg - on trouve le sud-africain MTN et les moyen-orientaux Zain et Moov. La Chine fournit du matériel à bas coût et des prêts aux opérateurs publics sous-capitalisés. De son côté, l’Inde contribue à la construction d’un réseau électronique panafricain couvrant les 53 pays du continent dans le cadre d’une initiative de l’Union africaine. Les formules prépayées, à l’américaine, et les messages de texte (SMS) chers aux Européens sont extrêmement populaires. Un facteur clé de la révolution des communications « à l’africaine » réside dans la réduction des charges d’itinérance (roaming) qui consiste à appliquer le tarif local à un usager même si celui-ci se trouve à l’étranger, ce qui n’a pas encore été fait au sein de l’Union européenne. Si les utilisations sont multiples, y compris en télémédecine, dans la lutte contre le VIH/sida, les technologies sont aussi diverses. L’énergie solaire est déjà utilisée au Kenya pour faire fonctionner des téléphones mobiles et pour l’utilisation de cabines téléphoniques en Afrique du Sud. L’énergie éolienne ou le recyclage des déchets sont aussi évoqués.
Les abonnés au haut débit concentrés dans cinq pays
En revanche, les pays africains se laissent distancer par d’autres régions en développement pour ce qui est de l’utilisation d’Internet et, plus encore, du raccordement au haut débit. Ce retard est notamment attribuable à l’absence d’infrastructures de télécommunications fixes. La plupart des autres régions en développement enregistrent une pénétration du haut débit dix fois supérieure à celle de l’Afrique. L’utilisation du haut débit sur le continent africain est fortement concentrée, 90 % des abonnés se retrouvant dans cinq pays (Afrique du Sud, Algérie, Égypte, Maroc et Tunisie). Ces pays font aussi partie de ceux ayant connu les plus fortes augmentations du nombre d’abonnés au haut débit depuis 2003. On observe également un écart considérable pour ce qui est de la vitesse du haut débit. Le rapport de la Cnuced indique qu’il faut intervenir rapidement pour corriger cette situation de façon à ce que le continent soit entièrement connecté. De plus, il existe aussi un fossé entre les prix du haut débit, le coût d’utilisation étant habituellement supérieur dans les pays à faible revenu. Quatorze des 20 pays où l’on retrouve les frais d’accès les plus élevés au monde sont en effet des pays d’Afrique subsaharienne et même à l’intérieur du continent africain, le fossé entre les prix est énorme : alors que l’accès mensuel à des services à haut débit coûte en moyenne plus de 1 300 dollars au Burkina Faso, en République centrafricaine et au Swaziland, les abonnés égyptiens et tunisiens paient moins de 13 dollars pour les mêmes services.
Un ordinateur pour 140 habitants
Les câbles à fibres optiques internationaux jouent un rôle capital pour le raccordement de l’Afrique à l’économie mondiale, mais les pays d’Afrique subsaharienne ont en grande partie été les grands oubliés des réseaux optiques. Toutefois, un certain nombre d’initiatives sont finalement sur le point de porter leurs fruits. Ainsi, le câble reliant la côte Est de l’Afrique à l’Europe et à l’Inde (SEACOM) est devenu opérationnel en juillet 2009, et le câble sous-marin longeant l’Afrique de l’Est pour relier le Kenya aux Émirats arabes unis (TEAMS) devrait le devenir plus tard cette année.
Un exemple positif, les ordinateurs classmate d’Intel, à bas coût, qui ont d’abord été vendus au Nigeria et qui sont désormais disponibles en Europe et aux États-Unis.
Le parc actuel d’ordinateurs personnels dans les pays de la CEDEAO était estimé en 2008 à plus de 2 millions d’unités, ce qui représente un ordinateur pour 140 habitants, contre 1 pour 3 en Espagne ou 1 pour 2 en France. Les perspectives d’internet en Afrique de l’Ouest sont donc réelles, même si elles ne concerneront pendant longtemps qu’une frange minoritaire de la population. L’Afrique centrale quant à elle est une des régions à la traîne : la Banque mondiale vient d’annoncer une nouvelle aide de 215 millions de dollars pour le financement de l’installation d’internet dans onze pays de la régions, en commençant par le Cameroun, le Tchad et la Centrafrique.