Article publié le 2009-12-27 par Daouda Emile OUEDRAOGO
Tatouage et santé de la peau, Un phénomène réel aux conséquences diverses [12/2009]
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Lil Wayne, célèbre rappeur américain
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Le tatouage est une réalité en Afrique. Phénomène de mode importé de l’Occident, le tatouage entre dans les mœurs dans les pays en voie de développement en général et au Burkina Faso en particulier. Et, cela n’est pas sans conséquences sur la santé de la peau. Les praticiens du tatouage font des bénéfices quand le spécialiste de la santé situe sur les différents types de tatouages et ces conséquences sur la peau.

Fait à l’aide d’encre de chine, d’encre indélébile ou de henné sur une partie de la peau, le tatouage est divers et varié dans sa forme et ses manifestations. Phénomène de mode essentiellement, les spécialistes le définissent comme un aspect lié à l’impact d’une figure extérieure sur la peau. Selon le président de la Société burkinabé de dermatologie, d’esthétique et de cosmétologie, le professeur Adama Traoré, «le tatouage, pour le dermatologue, est la mise en contact de la peau avec un pigment, de manière superficielle ou profonde, en vue de changer la couleur de la zone tatouée et définir une figure selon le type de tatouage que l’on souhaite.» Ainsi, il existe plusieurs types de tatouages selon le dermatologue en fonction du pigment utilisé et en fonction de l’impact sur la peau. En fonction du pigment utilisé, l’on retrouve le tatouage indélébile et débile. Quant à l’impact sur la peau, le tatouage peut être superficiel ou profond. En ce qui concerne la spécificité des pigments, l’encre de chine opère de façon indélébile lorsque le henné est débile. Cela signifie que le henné appliqué sur la peau disparaît après un certain temps notamment par l’impact de l’eau sur la partie tatouée. Quant à l’encre de chine, il ne peut pas disparaître et demeure sur le corps de la personne tatouée durant toute sa vie a expliqué Anatole Roamba, un tatoueur de la ville de Ouagadougou. Depuis plus d’une dizaine d’année, il exerce cette activité. Il tatoue de façon artisanale à l’aide d’une aiguille et de l’encre de chine de couleur noir. M. Roamba n’a pas de local fixe car c’est une activité qu’il exerce de façon extra par rapport à son propre métier de conducteur. Grâce à son talent, il a pu établir un réseau de fidèle client qui peuvent se faire tatouer ou emmener des amis à se faire tatouer. L’homme a des catalogues de dessin et sa méthode de tatouage est particulière. Il utilise des gants blancs, installe le client sur une chaise et incruste légèrement l’aiguille trempée dans l’encre de chine dans l’épiderme. Pour M. Roamba, le temps de réalisation d’un tatouage et son coût dépendent non seulement de la figure du dessin mais aussi et surtout sur la partie du corps : «je ne peux pas tatouer le bras au même tarif que les parties intimes», a-t-il précisé. Selon lui, cela est dû au fait que c’est généralement les filles qui aiment se faire tatouer sur les parties intimes. Et pour «peut-être la dissuader ou éviter d’être tenté, je taxe un prix fort allant de 20 à 25 000 F CFA (NDLR : l’équivalent de 38 euros), et même plus car souvent le tarif est fait à la tête du client» explique le jeune homme. Un tatouage peut durer plus de deux heures. Ainsi, le tatouage se perçoit aujourd’hui comme un style propre à chaque individu. Toutes les couches sociales se tatouent selon lui au Burkina Faso mais la frange jeune, notamment les jeunes filles sont les plus nombreuses. «Les élèves, les jeunes filles, les étudiant(e)s, les forces de l’ordre, les militaires, les femmes mariées, les artistes sont ceux là qui se tatouent le plus» a laissé entendre Anatole Roamba. Généralement, c’est sur un coup de fil que le tatoué donne rendez-vous au tatoueur en un lieu précis (au domicile du tatoué le plus souvent) pour exercer. M. Roamba dit avoir tatoué sur toutes les parties du corps et même sur les parties intimes des filles et des femmes mariées. Lorsqu’il s’agit des dernières citées, la pigmentation se fait en présence de l’époux. Les tarifs les plus courants sont fonction de la partie tatouée. L’homme dit tatouer sur le bras à 10 000 F CFA (environs 2 euros), l’omoplate à 6000 F CFA (environ 1 euro), les fesses à 25 000 F CFA (environ 38 euros), etc. De dessinateur qu’il était, l’homme exerce ce métier par passion. Par mois, il a une dizaine de clients. «C’est un plaisir pour moi de dessiner sur la peau. Non seulement, cela me passionne mais me permet d’arrondir mes fins de mois» a expliqué M. Roamba.

Du tatouage à l’henné et à la machine

L’henné, cette mixture de feuilles vertes séchées, rendue en poudre et mélangé d’eau est un pigment qui sert à tatouer. Généralement appliqué sur la plante des pieds et/ou sur la paume de la main en y traçant des figures lors des cérémonies festives (mariages, baptêmes) de certaines ethnies des pays sahéliens d’Afrique, le henné est aujourd’hui utilisé pour tatouer certaines parties du corps humain. Oumar Sidibé est un expert en tatouage au henné. Sa réputation a dépassé les bords de la seconde ville du Burkina (Bobo-Dioulasso) pour s’étendre à ouagadougou. Ce qui lui vaut d’être sollicité par de grandes dames du Burkina Faso pour s’installer à Ouagadougou et mettre ses compétences au service de celle-ci. Il est employé dans un grand salon de coiffure située en plein cœur de la capitale burkinabé et, sa spécialité est le tatouage à l’henné. Jeune dessinateur, il a interrompu ses études en classe de Terminale. Depuis une dizaine d’année, ayant appris à tatouer sur le tas, il est l’un des premiers, sinon le premier à faire le tatouage au Burkina Faso. La pigmentation à l’henné, par rapport à celle à l’encre de chine obéit à un scénario différent. D’abord, la poudre de henné, de couleur verte est mouillée à l’eau. Pendant ce temps, le tatoueur découpe un sparadrap selon la forme du dessin à tatouer, colle celui-ci sur la partie du corps à pigmenter et y applique le henné. Ensuite, il apprête un mélange de cendre communément appelé dans le sahel «appolo». Ce produit a la possibilité de donner une bonne définition à la couleur du henné. Il est appliqué sur la partie tatouée au moins une heure après le séchage du henné. Son temps d’application selon le jeune Sidibé varie entre 20 et 30 mn. Un tatouage au henné peut durer en tout et pour tout, une trentaine de minutes. Quant au coût, selon Oumar Sidibé, il varie de 1000 à 35 000 F CFA (environ 40 euros). Ce tatouage aussi peut être fait sur toutes les parties du corps. Et Sidibé le fait sur les reins, les seins, les fesses, les bras, bref, toutes les parties qui peuvent faire l’objet d’un dessin. Les formes de figure les plus illustrées sur le corps sont les éléments de la nature. Entre autres, Les tatoueurs citent la flore, la faune et les noms de personnes qui sont chères aux tatoués. Parmi la flore, la rose est bien appréciée, tandis que dans la faune, le lion, le dragon, sont prisés. Quant aux noms de personnes, les tatoués aiment inscrire le noms de la mère, de l’être aimé où des enfants, selon Anatole Roamba. Pour Anatole, certaines personnes friandes de tatouages sont devenues des «laboratoires de tests» pour sa création. Ainsi, certains de ses clients sont prêts à expérimenter tous les dessins qu’il crée : «lorsque j’ai une inspiration sur une figure ou un dessin que je réalise dans mon calepin, je peux le faire sur telle ou telle personne en vue d’expérimenter ma griffe» a affirmé le jeune homme. Et ce «laboratoire» est une mine tatouée. «Tout son corps est semblable à un tableau décoré ou plus précisément à un papier peint.» Si la durée de vie du tatouage à l’encre de chine n’est pas déterminée dans le temps selon M. Roamba, en revanche le henné disparaît au bout d’une à deux semaines selon M. Sidibé. C’est pourquoi, selon le jeune Roamba, il est toujours bon d’expliquer au tatoué le risque de ne plus voir disparaître sur sa peau la figure tatouée. «Certains prennent cinq ans de réflexion avant de se décider à se faire tatouer» a affirmé Anatole. En outre, le tatouage à la machine est la forme industrielle de la pigmentation. Selon le dermatologue, le Pr Adama Traoré, la machine utilisée est appelée «scripte». Elle est munie d’aiguilles qui servent à piquer et à graver en profondeur de l’épiderme. Ce tatouage est aussi de type indélébile. A Ouagadougou, seul un salon de tatouage géré par un expatrié le pratique. Nous n’avons pas pu le rencontrer dans le cadre de ce dossier parce qu’en visite à l’extérieur du Burkina. Mais, selon Anatole Roamba, c’est ce salon installé dans un quartier chic de Ouagadougou, qui fait du tatouage électronique. Mieux, il utilise des rayons lasers pour travailler sur des tatouages déjà faits, en vue de les supprimer. Le coût de ses consultations s’élèveraient à plus de 50 000 F CFA (NDLR : environs 76 euros). C’est aussi chez Jade, c’est son nom, que les tatoués peuvent faire effacer leur tatouage suivant un traitement précis par séance. Mais le coût du traitement étant élevé et le temps imparti à ce dernier fait que de nombreuses personnes, jettent l’éponge face à cette entreprise. En effet, selon Anatole Roamba, il faut au minimum cinq séances en raison d’une séance par mois pour ce traitement. Et le coût d’une séance est de 10 000 F CFA (environ 2 euros). Alors, lorsque le tatoué a déboursé au moins 25 000 F CFA (38 euros) pour se tatouer et qu’il faut 50 000 F CFA (environ 80 euros) pour l’effacer, le choix est vite fait de se résigner à effacer le tatouage. Au delà de cette donne, des conséquences en résultent pour la santé de la peau.

Les impacts sur la peau


Les conséquences du tatouage sur la peau sont fonction de trois paramètres à prendre en compte pour mieux les cerner selon le dermatologue Traoré. A savoir, «la profondeur du tatouage, le moyen utilisé (application locale, injection ou scripte qui est l’utilisation d’un instrument piquant ou une machine munie d’aiguille), le type de pigment utilisé et l’individu lui-même.»  En outre, les conséquences du tatouage sont fonction du niveau du tatouage, qu’il soit délébile ou indélébile. Un tatouage délébile a moins de conséquences sur la peau que celui indélébile. Les conséquences sont aussi fonction, selon le spécialiste, des moyens utilisés pour mettre le pigment sur la peau. Spécifiquement parlant, les conséquences du tatouage sur la peau sont entre autres, une brûlure de la peau du fait de l’introduction d’un corps étranger dans l’épiderme, une réaction allergique ou, une infection. Cette infection peut être un champignon, un parasite ou un virus selon le Pr Traoré. L’infection la plus grave est celle causée par le virus du fait que l’instrument utilisé pour un tatouage profond a été au contact du sang d’une personne infectée. Et s’il se trouve qu’il n’a pas été stérilisé avant d’être utilisé pour une autre personne, il y a risque d’infection grave. En outre le tatouage peut aussi entraîner des cancers de l’épiderme. Les cancers causés par le tatouage sont selon le Pr Traoré ceux qui concernent essentiellement l’épiderme. La peau étant composé de l’épiderme, du derme et de l’hypoderme. Cependant, même si le cancer concerne généralement l’épiderme, il peut évoluer souvent profondément et atteindre le derme selon le spécialiste de la peau. Ce sont essentiellement des tumeurs bénignes qui se manifestent du fait qu’au niveau de l’épiderme, les cellules, selon le Pr Traoré, réagissent parce qu’un corps étranger a été introduit dans l’organisme. «En réagissant, les cellules vont proliférer comme si l’organisme se défendait et donner une grosseur sur une zone localisée. Cela est une tumeur bénigne. Cependant, des tumeurs malignes peuvent apparaître du fait que certains produits introduits dans la peau entraînent des actions néfastes sur le noyau de la cellule» a expliqué le président de la société de dermatologie bukinabè. Selon le Pr Traoré, au Burkina Faso, les services de dermatologies n’ont pas encore fait face à un cancer de la peau causé par le tatouage. Seulement un à deux cas de réaction allergique est souvent rencontrée dans l’année selon le spécialiste. Mais, ce qu’il rencontre le plus souvent, ce sont des personnes qui ayant tatoué un nom ou une figure sur leur peau ont du mal à s’en débarrasser. A côté de cet état de fait, les spécialistes rencontrent aussi des «petites grosseurs» dues au fait que le pigment introduit sous la peau est grossier. En ce qui concerne le tatouage au henné, le Pr Traoré a révélé qu’en réalité, ce produit n’a pas de conséquence sur la peau. La seule conséquence est l’allergie que peut entraîner le henné de mauvaise qualité sur la peau. Bien plus, selon le spécialiste, il détruit certains parasites lorsqu’il est appliqué sur la peau car, il est doté d’une certaine acidité qui détruit les champignons se trouvant autour ou sur la plante des pieds de certaines personnes. Du reste, le henné est souvent bien toléré.

Le tatouage indélébile fait à l’aide d’une machine appelée «scripte», entraîne des infections selon le dermatologue. Ces infections sont causées par le fait que la machine, munie d’aiguilles ou de petites lames, introduit le pigment à l’intérieur. Et s’il se trouve qu’elle n’est pas stérilisée pour être utilisée d’une personne à une autre, l’instrument peut transmettre une maladie d’une personne à une autre. Le Professeur a cité l’exemple d’un groupe de cinq personnes tatouées en même temps à la machine. L’une d’entre elles a été infecté par une maladie contagieuse. Du côté des tatoueurs, les conséquences sur la peau semble minimisées. Selon le jeune Sidibé, les conséquences surviennent suite à l’utilisation de produits périmés ou dilués dans d’autres substances nocives pour la peau. M. Sidibé déplore le fait qu’avec la concurrence créée par la prolifération des salons de coiffure et des individus installés en privés dans certains lieux, certains n’utilisent pas des produits de qualité pour faire le tatouage. «Je sais que le henné ne pose pas de problème sur la peau, mais s’il est mélangé avec de fausse encre, cela peut être dangereux» a affirmé le tatoueur. Le tatouage est donc aujourd’hui un phénomène de mode qui n’est pas sans conséquence pour la santé de la peau. Toutefois, ces conséquences dépendent des produits, des instruments utilisés pour ce tatouage. Dans les pays en voie de développement, le phénomène du tatouage indélébile est à l’état embryonnaire. En revanche, celui au henné est pratiqué dans presque tous les salons de coiffures. Les uns font de bonnes affaires, les autres en récolte des conséquences fâcheuses pour la peau.



La différence entre le tatouage et la dépigmentation

Le tatouage est différent de la dépigmentation. Selon le Pr Adama Traoré, la différence entre le tatouage et la dépigmentation est dans le processus de faisabilité. Ainsi, selon ses explications, si la dépigmentation consiste à enlever la couleur de la peau, le tatouage, lui, consiste à apporter de la couleur sur la peau. La dépigmentation consiste à utiliser des médicaments pour diluer le teint noir. Il existe plusieurs médicaments qui servent à la dépigmentation et ses conséquences sur la santé sont fonction du degré de la dépigmentation. Ces conséquences peuvent être classées en deux volets. A savoir, celles locales (la peau) et celles générales (l’organisme en entier). Ses conséquences immédiates sur la peau sont les brûlures, les réactions allergiques. A moyen terme, au bout de plusieurs mois (voire un ou deux ans) d’utilisation des produits, les conséquences peuvent être des vergetures qui sont une craquelure de la peau due à la cassure de certaines fibres au niveau de l’épiderme. A long terme, apparaît des complications telles l’intolérance à la lumière, des tumeurs et des cancers de la peau.
En outre, sur le plan général, la dépigmentation peut avoir des conséquences sur le rein, sur le cœur. Ce sont des conséquences extrêmement graves pour la santé de l’homme a expliqué l’homme de science le Pr Traoré.