Article publié le 2009-11-21 par Par Alexandre Korbeogo / LNA Politique
Côte d’Ivoire, Si proche des élections ! [11/2009]
Laurent Koudou Gbagbo
candidat du FPI
Henri Konan Bédié
candidat du PDCI-RDA
Alassane Dramane Ouattara
candidat du RDR
< >
Longtemps susurré, toujours murmuré, le report des élections en Côte d’Ivoire vient d’être annoncé. Le Président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Robert Beugré Mambé a levé l’équivoque :

«Les élections seront repoussées de quelques jours»

Le temps de finaliser les aspects techniques en instance, afin d’organiser des élections «propres».
Le pays de feu Félix Houphouët Boigny, du nom de son premier Président, n’aura été aussi proche des élections présidentielles. Depuis le 19 septembre 2002, les ivoiriens après moults tractations voient presque le bout du tunnel. Un tunnel, long de plusieurs années, avec des hauts et des bas dont la seule issue est «l’organisation de l’élection présidentielle » censée mettre fin définitivement à la crise politico militaire. Après avoir signé plusieurs accords, à travers de nombreuses capitales tant européennes qu’africaines, les ivoiriens ont scellé le pacte d’aller résolument à la paix à travers l’Accord politique de Ouagadougou et de ses accords complémentaires, sous la facilitation du président burkinabé Blaise Compaoré. A travers cet Accord, le Président Laurent Gbagbo et le chef des ex rebelles, aujourd’hui Premier ministre, Guillaume KigbaforiSoro, ont décidé de déposer les armes, de soulager les souffrances des populations, meurtries par les atrocités de la guerre et, d’aller vers des lendemains meilleurs pour ce beau pays de l’Afrique occidentale. Depuis 2004, date de la signature des Accords de Ouagadougou, la Côte d’Ivoire, pays d’espérance, comme l’indique son hymne national, a entamé un processus de réunification irréversible. Les acquis de la paix sont multiples.
 
La ligne tampon qui séparait les deux ex belligérants (pouvoir et rebelle) a été supprimé. La libre circulation des biens et des personnes du Nord au Sud et vice versa est une réalité. Le déploiement de l’administration sur le territoire national est un fait. La cohabitation entre les Forces nouvelles, l’ex rébellion du Nord du pays et, leurs frères d’armes des Forces de défense et de sécurité du Sudest des plus pacifiques.

Côte à côte, ils défilent ensemble lors de la célébration de la fête nationale. Fait majeur, l’identification des populations a été faite grâce à l’appui de la communauté internationale et des amis de la Côte d’Ivoire. Ce sont là autant d’actes qui militent à l’avènement d’une Côte d’Ivoire nouvelle ; d’un pays qui a refoulé aux calendes grecs ses mauvais souvenirs ; d’un pays qui pansent ses plaies afin d’aller sur de nouvelles bases pour construire son développement. L’acte final de ce sacre est sans conteste l’élection présidentielle.Prévue pour se tenir le 29 novembre de cette année, elle sera décalée de quelques mois.Plusieurs raisons militent en faveur de ce report.

L’épineuse question du fichier électoral

L’une des causes du déclenchement de la crise armée en Eburnie est la question identitaire. Loin de s’attarder sur les affres de l’ivoirité, la Côte d’Ivoire, pays cosmopolite est un brassage des peuples. Pour trouver une solution idoine et pérenne à cette épineuse question, l’Accord politique de Ouagadougou a préconisé l’identification des ivoiriens. De cette identification découlera l’établissement de la liste électorale. A la date du 11 novembre 2009, le Président de la CENI, Robert BeugréMambé a précisé que 5.300.586 requérants, ont été retenu comme Ivoiriens dans le fichier électronique issu de l`opération d`identification et de recensement électoral.« Il reste à régler le cas de 1 033 985 et à clarifier la situation de 49.682 personnes identifiées sur le fichier étranger. Il apparaît donc que depuis le jour où nous avions annoncé qu`il restait 1.900.000 personnes pour lesquelles il fallait déterminer le statut, nous avons pu repérer par des mécanismes de croisement complémentaire que nous avons mis en application, 877.245 Ivoiriens. Il est bon que nous prenions le temps de comprendre ce qu`il faut comprendre. Donc, les 1033985 que nous avons comme gisement contiennent certainement encore des Ivoiriens »a clarifié le président de la CENI.C’est la raison principale du report de la date du 29 novembre. Logique, dans la mesure où il ne sert à rien d’avoir passé plus de 7 ans à courir derrière la paix, pour la bâcler et tout foutre en l’air au dernier virage. Il est certain qu’une élection présidentielle bâclée en Côte d’ivoire sera une catastrophe pour la sous région ouest africaine. Entre deux maux, il faut choisir le moindre mal, pour emprunter à Rousseau.

Autre fait majeur de l’avancée inexorable de la présidentielle, les candidatures ont été déposées auprès de la CENI. Elle les a acheminé auprès du Conseil Constitutionnelpour validation. En attendant cette validation, vingt (20) candidats sont au point de départ pour briguer le fauteuil présidentiel. Outre les trois poids lourds de la politique ivoirienne, Laurent Koudou Gbagbo, le candidatdu Front Populaire ivoirien (FPI), candidat à sa propre succession, Henri Konan Bédié, candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et Alassane Dramane Ouattara, candidat du Rassemblement des Républicains (RDR), des candidats d’autres partis politiques et des indépendants complètent la liste. Le scrutin présidentiel, qui aura sans doute lieu en 2010 sera ouvert et des plus disputé de l’histoire de la Côte d’Ivoire.



Redonner à la Côte d’Ivoire, ses lettres de noblesse

L’élection présidentielle doit donner au pays du bord de la lagune Ebrié ses lettres de noblesse. La démocratie doit sortir renforcée en Afrique. Au vu des enjeux, l’on doit se donner tout le temps nécessaires pour éviter à la Côte d’Ivoire ce qu’a connu l’Angola aux lendemains des élections. Ni plus qu’en RD Congo. Ici, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.Pour ce faire, la Communauté internationale doit prendre les dispositions nécessaires pour conduire les ivoiriens à organiser des élections « libres, transparentes et crédibles ». De même qu’on ne peut aller aux urnes avec une arme pointée dans le dos, de même, on ne peut pas faire risquer à la Côte d’ivoire de retomber dans le chaos. Les scrutins présidentiels en Afrique sont des moments de fortes émotions. Il appartient à chaque ivoirien d’être l’acteur principal de la réussite de la sortie définitive de la crise. Pour y arriver, aucun sacrifice ne sera de trop. Pourvu que l’intérêt supérieur de la nation soit au dessus des intérêts égoïstes et individuels.



Forces et faiblesses des «poids lourds» de la politique ivoirienne

Laurent Koudou Gbagbo candidat du FPI

Forces : Il est le Président sortant et candidat à sa propre succession.Durant plus d’une décennie, il s’est montré un opposant intraitable face au premier président de la Côte d’Ivoire, feu Félix Houphouët Boigny. L’implantation de son parti sur tout le territoire national est un atout pour lui. Mieux, parmi les trois candidats, il est le mieux aguerri en terme d’expérience politique et de connaissance de l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Professeur d’histoire de formation, il a l’avantage d’avoir sympathiser avec la jeunesse estudiantine qui constitue le terreau fertile des luttes politiques. Il part avec la faveur des pronostics des différents sondages organisés par SOFRES. En choisissant comme directeur de campagne national, Malick Coulibaly, un fils du Nord de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo veut ratisser large dans cette portion du pays réputée proche du RDR d’Alassane Dramane Ouattara. En outre, il a en sa possession l’appareil d’Etat.

Faiblesses : La propension à croire que le match est tué d’avance.La non maîtrise de l’électorat du Nord qui constitue une frange non moins importante.

Henri Konan Bédié candidat du PDCI-RDA

Forces :  Ancien président de la Côte d’Ivoire de 1993 à 1999, renversé par un coup d’Etat, son parti politique, le PDCI-RDA est le plus ancien parti politique du pays. Son implantation territoriale jusque dans les hameaux les plus reculés du pays, fait de ce parti une véritable machine à gagner.La connaissance des mécanismes et des rouages de l’Etat est un atout qui peut désarçonné ses adversaires. Son alliance avec le RDR pour créer le rassemblement des Houphouëtistes, pourrait être de taille s’il y a un deuxième tour. Il dispose de moyens financiers et matériels pour battre sa campagne.

Faiblesses : Le départ de certains membres influents du parti au profit d’autres regroupements politiques ou pour créer leur propre parti a affaibli le parti. C’est la première fois que l’homme compéti, ainsi que son parti en position d’opposant. Le manque d’expérience à ce niveau pourrait jouer en sa défaveur. L’on le considère aussi comme le père de l’ivoirité, une des sources du déclenchement de la crise. Cela peut faire mauvaise presse.

Alassane Dramane Ouattara candidat du RDR


Forces : Premier ministre de Côte d’Ivoire de 1990 à 1993, il a été celui que le premier président de la Côte d’Ivoire, feu Félix Houphouët Boigny a désigné pour redresser l’économie ivoirienne. Son parti (le RDR), jeune par rapport aux autres partis politiques, s’est brillamment comporté lors des dernières élections municipales tenues en Côte d’ivoire après avoir boycotté les législatives. Sa force réside dans le Nord du pays.Ses amitiés occidentales et, sa connaissance du monde de la finance internationale (il a été directeur général adjoint du FMI) vaut son pesant d’or. Il dispose de moyens matériels et financiers conséquent pour faire une bonne campagne présidentielle.

Faiblesses : Economiste de formation, il est politiquement inexpérimenté par rapport à Laurent Koudou Gbagbo qui a fait ses armes de luttes dans le mouvement estudiantin. La jeunesse du RDR peut lui jouer des tours face à des partis aguerris comme le PDCI et le FPI.