Article publié le 2009-10-08 par Patrick Eric Mampouya Développement
La crise économique : une opportunité pour l’Afrique [10/2009]
Fédéral Palace Hôtel à Lagos (Nigéria). La nature, un plus pour l’Afrique
Des pays comme l’Egypte, l’Afrique du Sud ou le Maroc, dont les systèmes financiers sont assez intégrés au système international ont certes été touchés : les places boursières y ont enregistré des baisses notables, car les fonds occidentaux ont injecté beaucoup d’argent sur ces marchés. Certaines banques Africaines, qui recevaient des fonds de banques occidentales vont également subir les conséquences de la crise des investissements, avec comme conséquence une diminution des crédits bancaires pour leurs clients.
Cependant, The Economist  souligne que, si l’Afrique n’est pas à l’abri d’une récession mondiale, l’abondance de ses ressources en minerais et en hydrocarbures lui assure le maintien de taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale.
Mais est-ce réellement une solution ? D’une part, la crise mondiale pourrait bien entraîner une diminution de la demande, accrue par une baisse du cours des matières premières liée à la chute du dollar. D’autre part, l’économie d’extraction ne fait qu’alimenter les dictatures, et les dirigeants Africains, face à l’afflux de ces capitaux étrangers, sont souvent peu regardants sur le bien-être de leur peuple.


L’industrie d’extraction, fortement dépendante de la demande du Nord, ne constitue donc pas une solution durable. Les pays qui se démarquent en matière de développement économique, comme le Ghana, le Mali ou le Mozambique ne sont-ils d’ailleurs pas ceux qui ont peu de ressources naturelles ?
 
Mais une autre dépendance est à craindre : celle de l’aide au développement. Depuis les indépendances, il a été déversé en Afrique noire pour son développement 300 milliards de dollars d’aide publique. Une broutille par rapport aux 700 milliards de dollars du plan de sauvetage bancaire Américain. Mais cette mise sous perfusion continue de l’Afrique a créé des habitudes, engendré des activités, créé des dépendances dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’agriculture.
 
Or, pour apurer leurs budgets, les bailleurs de fonds vont être amenés à diminuer considérablement leurs envois. Selon un télégramme intercepté par l’ONG Oxfam, «La limitation des autorisations d’engagement disponibles dans la loi de finances 2009-2010 va conduire l’AFD [Agence française de développement, ndlr] à suspendre sine die l’instruction d’un certain nombre de financements de projets de subvention, dont l’octroi était prévu entre aujourd’hui et 2009»  L’aide au développement de la France, pour 2009 serait diminuée de deux tiers ! Libération
 
La diaspora, qui s’est déjà beaucoup trop sacrifiée pour son continent, qui maintient en vie des villages entiers, va aussi être touchée par la crise qui touche le Nord : beaucoup plus sujette que les nationaux au chômage et aux emplois précaires, les fonds qu’elle envoie vont bientôt atteindre leurs limites. Au Sénégal, par exemple, le budget des ménages est constitué à 50 % par les versements des immigrés.
Que va-t-il se passer lorsque les migrants, qui ne pourront plus faire face à l’ensemble de leurs obligations, seront contraints de réduire leur apport ?
 
La crise financière est une opportunité pour l’Afrique, une chance de prendre en main notre destin, de défendre nos intérêts, comme le font l’Europe, les Etats-Unis, et maintenant la Chine. Loin de compter sur les bailleurs de fonds, dont l’aide, bien qu’importante, n’a pour l’instant pas réussi à faire décoller l’Afrique vers le développement tant attendu, loin de compter sur d’éventuels acheteurs qui ne viennent qu’exploiter les richesses des sous-sols du continent et alimenter les dictatures, l’Afrique ne doit compter que sur elle-même. Elle doit peser de tout son poids, gagner en influence, en auto-suffisance, en mettant en place des économies de production, agricoles, industrielles, de service.
Nous en sommes capables, les jeunes diplômés qui errent, désœuvrés sur le continent, ou qui occupent des emplois sous-qualifiés au Nord en sont capables. La diaspora, comme le continent, regorge de projets pour le développement de l’Afrique. Ce ne sont pas les idées qui manquent. Mais combien de projets, ambitieux, appuyés par des études techniques sérieuses n’ont pu aboutir ? Combien de rêves dans les cartons ? Combien d’objectifs de vie ont échoué ? L’aide au développement sert rarement à financer les projets économiques, et le crédit bancaire du système classique est bien souvent inaccessible pour financer ce genre de projets.
 
L’AFD va mettre en place un fonds de développement de 250 millions d’euros à destination des entreprises privées Africaines. Il faut saisir cette chance, mais pas pour créer un tissus d’entreprise dépendant de subventions Française. Plutôt pour créer un véritable développement endogène de nos pays, car il nous faut inventer de nouveaux outils, penser le développement autrement qu’en terme d’ «assistance» et d’attentes vis-à-vis de l’argent venu du Nord.
 
Dans l’élaboration de ces outils, la diaspora a aussi un rôle important à jouer. Elle a dit «non»  aux accords de dupe proposés par la France au Mali, elle a fait reculer ses dirigeants, et aussi la 5e puissance mondiale. Demain, elle sera capable de mettre en place ces nouveaux outils, par son dynamisme, sa force de persuasion.
FUDIAD se propose d’être un de ces outils. C’est donc à nous, les forces vives d’un continent dévasté par des siècles de violence, d’assistanat et d’exploitation de faire vivre cet outil, pour qu’il devienne un acteur véritable du changement, un outil créé par les Africains pour les Africains.