Dire que je suis ému d'être ici, c'est un truisme parce que je connais l'homme, le pays et la maison. Mais je n'ai jamais été ni dans ce pays, ni dans cette maison de cette façon, c'est-à -dire en visite d'Etat, sous les lambris de la République, décoré, chargé, regardé. J'étais ici plus souvent comme un clandestin venant demander de l'aide à son frère pour poursuivre sa lutte. Il fallait qu'il croit en moi pour me soutenir, ce qui n'était pas facile. L'amitié entre M. Compaoré et moi s'est bâtie dans ces moments, quand je n'étais pas président, quand je n'étais rien, alors que lui était à la tête de l'Etat burkinabè. Mais quand je lui ai dit que j'allais être président, il y a 20 ans de cela, il a cru en moi. C'est ce qui justifie notre amitié car il n'avait que ma parole comme garantie, laquelle était contestée dans mon pays et également dans le sien. Le président du Faso m'a cru et m'a aidé. Il m'a aidé financièrement parce qu'il faut être clair pour que les Ivoiriens et les Burkinabè sachent que je lui dois en partie ce parcours. On dit, il est courageux, il est téméraire mais sans un peu de moyen, le courage et la témérité ne vont pas bien loin (rire). Dans ces moments solennels, je voudrais devant vous tous le remercier. Parce qu'il y a une chose que papa m'a apprise, c'est de ne jamais être ingrat. "Tu peux faire des histoires avec quelqu'un qui t'a fait du bien mais n'oublie jamais qu'il t'a fait du bien". Je ne peux pas être ingrat, il m'a aidé et je suis heureux de pouvoir vous le dire aujourd'hui, publiquement et officiellement, il faut que vous le sachiez.
Nous sommes aujourd'hui ici en train de faire ce que nous avions dit depuis longtemps que nous ferons. Nous avions des discussions longues sur l'Afrique de l'Ouest, sur l'Afrique. Je me souviens d'une phrase que vous m'aviez dite un jour en 1993 : "Il y en a qui se servent du slogan de l'intégration pour cacher leur incapacité à travailler, à avancer". C'est vrai, il y 'en a qui se cachent derrière le mot intégration. Quand ils ont crié haut intégration, ils s'en vont s'asseoir. Nous, à cause de la nature de nos pays, nous sommes condamnés à vivre l'intégration. Il faut que l'axe Yamoussoukro-Ouagadougou devienne l'axe central de la construction de l'Afrique de l'Ouest. Nous avons les moyens de le faire, nous avons les capacités de le faire et nous avons le devoir de le faire. Je suis sûr qu'il n'y a pas plus de 50% de cadres burkinabè qui ne connaissent pas la Côte d'Ivoire. En tout cas, là-bas, la plupart des cadres que moi je côtoie, connaissent Ouagadougou. 47% des Burkinabè qui vivent aujourd'hui en Côte d'Ivoire ne connaissent pas du tout le Burkina Faso. Ils sont nés Burkinabè, de père burkinabè et de mère; ils ont des papiers burkinabè mais ils ne connaissent pas le Burkina Faso physiquement. En 1932, l'administration coloniale nous a mis ensemble. Ouagadougou était la 2e ville de la Côte d'Ivoire, Ouagadougou était encore la 2e ville de la Côte d'Ivoire, quand à la fin de la guerre en 1945, l'ordonnance de De Gaulle a permis les élections à la Constituante et à l'Assemblée nationale. C'est ici que Houphouët Boigny est venu faire campagne. Il était opposé au Larlé Naaba qui voulait aussi être député. La bataille a eu lieu et elle a été grande. Houphouët a été député. Il a coopté à Agboville un enfant de ce pays, Ouezzin Coulibaly. Ils ont travaillé ensemble. Zinda Kaboré, tout ceux-là sont dans l'histoire du Burkina Faso, mais aussi dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. Parce que nous étions un même pays. En 1947, voyant que Houphouët-Boigny était trop communiste à leurs yeux, il fallait couper les deux entités pour protéger ce qu'on appelait à l'époque, l'empire mossi, du virus du communiste. En 1947, un décret est venu rétablir la colonie de la Haute-Volta. C'est comme cela que nous nous sommes retrouvés séparés mais on est ensemble.
Administrativement, on est séparé mais on est ensemble, on est tout le temps ici et vous êtes tout le temps chez nous. C'est pourquoi il ne faut pas oublier son passé. Je veux, M. le président, vous témoigner de ce que je vous ai déjà dit avant, quand j'étais dans l'opposition. Parce que si nous ne le faisons pas et vous le voyez M. le président, chaque jour, la bataille pour le maintien de notre monnaie, c'est la Côte d'Ivoire et le Burkina qui la mènent. Vous la menez où vous êtes. Et nous la menons où nous sommes. Heureusement que nous sommes là pour mener cette bataille; cette monnaie qui est déjà un élément d'interrogation, elle peut être améliorée, mais elle ne doit pas être affaiblie. Elle doit être attractive, elle doit attirer la Guinée, le Ghana, le Liberia, (...). Elle doit aider tous les autres, mais elle ne doit jamais être affaiblie. Contre tous ceux qui par ignorance ou par appétit, veulent l'affaiblissement de cette monnaie, je dis non. Heureusement que j'ai à côté de moi, Blaise Compaoré, avec qui nous disons non. Nous avons donc l'UEMOA, une construction dont nous avons héritée, il faut aller plus loin. Mais si la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso ne se donnent pas la main, on ne pourra pas construire l'Afrique de l'Ouest, elle ne sera pas grande. Nous pouvons dire que nous nous suffisons, mais nous ne nous suffisons pas parce qu'il y a les autres à côté de nous, sinon nous aurions pu nous arrêter à la construction de la Côte d'Ivoire et du Burkina, nous deux seulement, mais il faut s'ouvrir aux autres donc nous nous ouvrirons aux autres. Mais M. le président, je suis venu ici à votre invitation parce que nous devons commencer au commencement, par la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso. Si ces deux pays décident qu'on doit avoir la paix totalement et pour toujours en Afrique de l'Ouest, nous aurons la paix définitivement. J'ai donné un premier signal en abolissant la carte de séjour. L'objectif c'est d'organiser l'interpénétration pour qu'elle soit conforme aux règles que les deux Etats se sont données. M. le président, je voudrais donc, après vous avoir dit cela, vous dire qu'il faut que Dieu vous bénisse. Il faut que Dieu bénisse le Burkina, que Dieu bénisse la Côte d'Ivoire, que Dieu bénisse nos relations.
Au nom de cela, je vous demande de lever vos verres à la santé du président Blaise Compaoré et à la prospérité de nos deux Etats.
Je vous remercie