Article publié le 2008-05-21 par Alexandre Korbeogo, envoyé spécial à New Delhi Développement
Sommet Inde-Afrique : Des bons points engrangés [05-06/2008]

Chaleureuse poignée de main entre l'ex président e la Commission de l'U.A., Alpha Oumar Konaré (a g.) et le Premier ministre indien Manmohan Singh.

 

 

Le Premier ministre indien posant avec le président Abdoulaye Wade du Sénégal.

 

 

Plusieurs chefs d'Etats africains ont honoré de leur présence à New Delhi.

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Les 8 et 9 avril 2008 s'est tenu à New Delhi en Inde le premier Sommet indo-africain. Autour du Premier ministre indien Manmohan Singh, sept chefs d'Etat ainsi que de nombreux chefs de gouvernement africain ont planché sur les voies et moyens à mettre en oeuvre pour bâtir un partenariat commercial et politique entre ces deux entités. La révolution commerciale entre l'Inde et l'Afrique vient d'être lancée.

L'Inde et l'Afrique sont liées pour affronter les défis commerciaux et politiques des temps modernes. A New Delhi, deux textes fondamentaux ont tracé la voie pour une collaboration fructueuse entre le pays de Mahatma Gandhi et le continent : un cadre de coopération et la déclaration de Delhi. Ces textes définissent le bréviaire sur lequel reposent désormais les relations indo-africaines. A travers ces documents, les deux partenaires s'engagent à donner un visage humain et dynamique à leur coopération sur les plans de l'économie, du social, de la sécurité, de la science, de la technologie, de la formation et des ressources humaines. L'Inde dont la superficie est le 1/10e de l'Afrique avec plus d'un milliard deux millions d'habitants constitue un partenaire de taille pour le continent dans un monde globalisé où la compétition est devenue rude entre les ensembles que sont l'Union européenne, la Chine, les Etats-Unis, etc. C'est fort de ce constat que New Delhi, à travers son cadre de coopération, soutient «les efforts visant à promouvoir entre l'Afrique et l'Inde le commerce et l'industrie, l'investissement direct étranger (IDE), le développement des PME et l'intégration régionale en Afrique». Cependant, toute relation commerciale étant fondée sur le respect des règles et de droit, l'Inde et l'Afrique ont interpellé la communauté internationale afin «qu'elle honore les engagements pris concernant le changement climatique en particulier dans les domaines du transfert des technologies, du financement et du renforcement des capacités». En présence des chefs d'Etat et de gouvernement réunis autour du Premier ministre indien Manmohan Singh, l'Afrique et l'Inde ont aussi interpellé la communauté internationale afin qu'elle examine plus en détail le régime des droits de propriété intellectuelle pour assurer un transfert rentable des technologies de pointe, propres et appropriées aux pays en développement.Le Sommet indo-africain n'a pas discuté seulement de commerce et d'échange. Il a aussi été question de politique notamment en ce qui concerne les Nations Unies et les pays non alignés du G77. La déclaration de Delhi affirme qu'il est «nécessaire de procéder d'urgence à la réforme complète de l'ONU». Cette réforme doit prendre en compte l'élargissement du Conseil de sécurité en ce qui concerne ses membres permanents et non permanents. D'autant plus que l'Inde et l'Afrique qui ont leur mot à dire dans les prises de décision au plus haut niveau de l'ONU lorgnent une place de membre permanent au sein du Conseil de sécurité. Le Sommet Inde-Afrique, qui a connu la participation d'une dizaine de délégations, marque un tournant décisif dans les relations entre ces deux entités. C'est pourquoi, la conférence de presse qui a sanctionné la fin du Sommet a été l'occasion pour les organisateurs de montrer que «l'Afrique ne veut plus être le cheval qu'on monte et exploite sans contrepartie».

De bons points pour l'Afrique

A New Delhi, l'Afrique a engrangé de maints avantages. L'Inde a décidé d'augmenter sa ligne de crédit qui passera à plus de 500 millions de dollars dans les 5 à 6 ans à venir. En outre, le Premier indien a annoncé une série de dispositions tarifaires relatives aux exportations vers son pays. Parmi ces mesures figurent en bonne place «l'instauration d'un régime de préférence tarifaire hors taxe pour les pays les moins développés. A cet effet, selon Manmohan Singh, l'Inde fournira de manière unilatérale l'accès préférentiel au marché pour les exportations d'au moins 50 pays les moins développés » dont 34 sont africains. Dans ce cadre, les produits qui sont couvert par la mesure sont le cacao, le coton, l'aluminium, le cuivre, les noix de cajou, la canne à sucre, le prêt à porter, les filets de poisson et les diamants non industriels. Ce fut l'occasion pour le Premier ministre indien de rappeler la bonne santé des relations entre ces deux entités. En exemple, entre 2003 et 2004 et entre 2007 et 2008, le pays continent a accordé des crédits dont la valeur s'élève à plus de 2,4 milliards de dollars. Il compte doubler ce crédit à hauteur de 5,4 milliards. A travers ce partenariat, les deux entités prouvent que lorsqu'on a combattu contre le colonialisme, on peut aussi se mettre ensemble pour lutter contre la misère des populations. La survie de nos populations en dépend.

Le sens du changement

Le sommet Inde-Afrique qui à clos ses travaux le 9 avril à New Delhi a tracé les voies pour une relation commerciale dynamique. Ce sommet, savamment organisé avec un chronogramme qui respectait presque à la minute le programme officiel, n'a laissé indifférent personne quant au sérieux avec lequel les Indiens ont de la considération pour les Africains. Cette considération fondée sur le respect est la base même de la confiance que l'Inde place à ce partenariat. Un partenariat basé sur l'égalité pour un développement mutuel. Cet aspect à lui seul rompt d'avec les sommets France-Afrique et autres qui sont assimilables à des jeux de bambins sur une plage de Marseille. New Delhi a été pratique en posant des actes concrets à l'endroit des Africains. Entre autres, l'augmentation de l'aide au développement de l'Inde à l'endroit de l'Afrique, le passage du simple au double de la ligne de crédit en direction du continent (500 millions de dollars, environs 225 milliards de F CFA sur 5 à 6 ans) et cerise sur le gâteau, l'exonération de certains produits de droit de douane et l'illimitation de quota pour une cinquantaine de pays en voie de développement dont 34 se trouvent sur le continent.

Un mariage de raison

Par ces actes forts, avec la manière qui sied, le Premier ministre indien a clairement défini qu'entre l'Inde et l'Afrique, c'est un mariage de raison plutôt que de profit. D'autant plus qu'avec l'ouverture des marchés, la lutte sans merci que se livrent les géants de l'économie, les Etats-Unis, l'UE, la Chine etc, l'Afrique dont le poids dans les échanges commerciaux n'excède pas 2% doit s'inspirer du modèle de développement indien pour ne pas regarder se flétrir comme une peau de chagrin l'espoir, ô combien noble, de ces populations de sortir de la misère. Aujourd'hui et comme l'ex- président de l'UA, Alpha Oumar Konaré, l'a si bien relevé, l'Afrique a trop souffert du statut de réservoir du monde. Il est temps qu'elle se réveille et prenne en main son destin, en ayant la liberté d'établir et de sceller des liens commerciaux avec qui elle veut et quand elle le veut. Elle ne veut plus être le cheval de Troie d'une quelconque puissance en perte de vitesse et de souffle «économique». L'Afrique du Nord au Sud, d'Est en Ouest a beaucoup à tirer de son partenariat avec l'Inde. C'est ce pays qui n'a rien a envié aux industries mondiales et dont le privé rachète à coût de milliards de dollars les grandes marques de voitures telles que Ford. A New Delhi, s'est écrite une nouvelle page dans le concert des échanges commerciaux. Beaucoup de choses vont changer, si seulement si, les Africains ont confiance en eux-mêmes. Si, et seulement si, ils n'ont pas peur d'opérer la rupture pour croire en leur chance de trouver le bonheur ailleurs que sous le joug des anciennes puissances coloniales. L'Inde à une expertise industrielle moins couteuse et elle a ceci de commun avec l'Afrique : ils sont tous les deux des prodiges des temps coloniaux. Le pays aux «mille dieux» et l'Afrique ont la chance de prouver que leur partenariat peut et doit déboucher sur des lendemains meilleurs pour leurs populations respectives. Il suffit d'y croire et d'y mettre les moyens.