Article publié le 2008-05-21 par Léon Kamba Balapukayi, juriste de Droit belge et congolais Diaspora
La problématique des expulsions d’Africains avec visa touristique [05-06/2008]
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La criminalisation d'office dans les aéroports européens des Africains porteurs de visa touristique ou de transit se matérialise souvent dans l'incarcération suivie d'expulsion, tandis que la libération reste une exception. Mais en fait, qui est derrière toutes ces maltraitances des étrangers ? Est-ce un problème de négrophobie, ou de xénophobie ?

Le mardi 13 juin 2006, les supporteurs de l'équipe nationale togolaise « Les Eperviers », se rendant a Frankfurt en Allemagne dans le cadre de la World Cup pour soutenir leur équipe contre la Corée du sud, tous détenteurs du visa Schengen délivré par le consulat allemand au Togo, ont été d'abord arrêtés puis rapatries au Togo sans aucune autre forme de procès. Le seul motif avancé par l'Office des Etrangers, autorité de tutelle de la Police belge des frontières, pour justifier cet acte serait que ces supporters n'avaient pu justifier de ressources suffisantes pour la durée de leur séjour. Plus tard, l'Office des Etrangers affirmera que leurs billets n'étaient pas nominatifs. Autrement dit, la Belgique apportait là des correctifs au système allemand relatif a la délivrance du visa au lieu de s'appesantir sur le prescrit de sa législation selon laquelle l'autorité administrative belge peut refuser, sans motiver sa décision, l'entrée sur son territoire à qui elle veut (en transit ou séjour de longue durée).

La police des frontières dispose d'un pouvoir important dont le contrôle pose problème. Lorsqu'un étranger muni d'un passeport revêtu d'un visa se présente à la frontière belge, à Zaventem par exemple, la police des frontières l'interroge sur les motifs de son séjour en Belgique et les moyens de subsistance dont il dispose pour son séjour. Lorsqu'elle considère que les propos de l'intéressé sont douteux, elle rédige un rapport négatif à l'Office des Etrangers qui prend généralement la décision de refuser l'accès au territoire.

Le Service d'inspection des frontières, sur les éventuelles directives suivies par les agents de contrôle pour évaluer le caractère douteux ou non des déclarations de l'étranger, allègue que par expérience, la police "débusque" très rapidement les motifs douteux de séjour de l'étranger. La situation est problématique parce que ces avis sont suivis par l'Office des Etrangers qui fait confiance à leur "intuition" ! Or, il se fait que l'on relève une propension de la police des frontières à avoir des préjugés, des idées fausses concernant les étrangers. Une tendance à considérer que leurs déclarations sont mensongères et de nuisance.

Pire, nous d'apprendre qu'un bureau chargé de contrôler entre autre la diaspora qui se rend au Congo vient d'être inauguré à Kinshasa. Il est dirigé … par la soeur d'une autorité belge d'origine congolaise - le même réflexe de copinage. Depuis, on n'a plus le droit de séjourner plus de six mois sinon le bureau se saisit du dossier et fait retirer d'office la carte d'un ou 5 ans et, donc, vous ne pouvez plus rentrer en Europe. Quel est le fondement légal de cette nouvelle violation des droits fondamentaux ? Les autres pays européens pourront-ils être tentés d'emboîter les pas dans cette logique infernale ?

Détentions en vue d'expulsion

L'étranger ainsi retenu dispose d'un recours devant le tribunal correctionnel contre la décision privative de liberté dont il fait l'objet. Mais, la loi lui interdit d'exercer ce recours plus d'une fois par mois. Cette disposition, contenue dans l'article 71 de la loi de 1980, paraît difficilement compatible avec l'article 5 § 4 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, en vertu duquel «toute personne a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale».

Le recours permettrait pourtant un contrôle des conditions de la rétention : hygiène, sécurité et surtout compatibilité de l'état de santé physique et psychique du détenu avec une mesure privative de liberté, mais aussi la «proportionnalité de la mesure d'enfermement avec le but poursuivi».

Tous ces détenus connaissent-ils leurs droits ? Est-ce que l'autorité administrative met-elle à disposition des informations fiables : droit à un recours devant le tribunal compétent et à un procès équitable … conformément à la Convention européenne selon laquelle «Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours» ? La réponse est laissée à l'autorité centrale de conformer sa politique frontalière au regard des conventions et accords internationaux signés.