L'Afrique a mal souvent en ces enfants. Le cas des enfants domestiques en est l'illustration. Taillables et corvéables à merci, ils sont les bons à tout faire dans la plupart des familles africaines. Une contribution de IDAY International situe sur l'ampleur du phénomène et propose des solutions.
Kigali, 5 heures du matin : Johani se lève. Il a 15 ans. Il a dû quitter sa famille dans les collines car l'exploitation agricole était trop petite pour alimenter ses 5 frères et soeurs. Il est arrivé à Kigali il y a 1 an et après avoir rôdé dans les rues pendant quelques mois, il fut accueilli par une famille comme domestique. Il se lève tôt pour préparer le petit déjeuner de la famille. Les propres enfants des parents adoptifs sont levés, déjeûnent et vont à l'école. Johani, lui, n'a pas pu aller à l'école dans son village natal, faute de moyens financiers et parce qu'il devait travailler aux champs. Ici, pas le temps : faire la vaisselle, cirer les souliers, laver le linge, nettoyer la maison et le jardin, faire le marché, les repas et le gardien quand la famille s'absente. En fait, il fait tout et n'est payé que l'équivalent de 5 € par mois, lorsqu'il est payé!
Des enfants de 11 à 19 ans, payés 5 euros par mois
Johani fait partie de la cohorte des enfants domestiques de Kigali, qui comme à Gitega, Bujumbura ou Goma pour ne prendre que les plus grandes villes de la Région des Grands Lacs en Afrique sont «employés» par des familles qui leur offrent couvert, logis et une rétribution symbolique. Leur âge varie de 11 à 19 ans (selon la répartition mesurée dans un des centres d'alphabétisation de Kigali) malgré le fait que le travail des enfants de moins de 14 ans est officiellement interdit au Rwanda. Leur nombre exact n'est pas connu pour la double raison que, jusqu'à aujourd'hui, ils n'ont pas de carte d'identité et qu'ils ne font l'objet d'aucune déclaration de la part du patron employeur auprès de l'autorité administrative. Ils sont donc «ignorés» des statistiques. Les agences des droits de l'homme sur place en estiment le nombre à plusieurs centaines de milliers dans chacun des pays des Grands Lacs. On peut considérer que leurs conditions s'apparentent à de «l'esclavage», même si les autorités consultées refusent cette comparaison en raison du «bon» traitement accordé par leurs parents adoptifs et un sort certainement moins enviable s'ils devaient se débrouiller dans la rue. Notons que cette réflexion escamote les réalités de nombreuses maltraitances envers les jeunes, y compris les abus sexuels de jeunes filles. Ce sont des enfants de l'ombre. Contrairement aux enfants de la rue ou des enfants soldats, les jeunes domestiques ne représentent aucune menace politique. Au contraire, comme la plupart des autorités politiques en emploient et que ce type «d'adoption» fait partie de la tradition des pays des Grands Lacs, leur sort est ignoré des autorités. Les grandes organisations internationales hésitent aussi à les aider car cela revient à admettre le principe du travail des enfants. Ce sont de petites ONG à Kigali et à Bujumbura qui offrent à ces enfants domestiques des cours d'alphabétisation, tout en proposant soit une réorientation vers la scolarité ou la formation professionnelle, soit une spécialisation du jeune qui le souhaite dans le secteur des services. A Kigali, outre une église qui donne quelques cours, une centaine d'enfants domestiques ont accès à 6 heures par semaine d'alphabétisation organisée par le Collectif des Ligues et Associations de Défense des Droits de l'Homme avec l'appui d'Action Développement - Parrainages Mondiaux (ADPM de Huy-Belgique).
Formation professionnelle pour enfants domestiques
A Bujumbura, l'ONG Convergence pour l'auto développement des Domestiques (CAD), lancée sur ses propres fonds organise des cours élaborés sur 4 ans pour environ 400 jeunes, en partant de l'alphabétisation et poursuivant avec des cours de langue et de formation professionnelle. Madame Kanyange, ancienne prisonnière essaie de sortir ces enfants de l'esclavage dans lequel des personnalités importantes les retenaient. Elle les assure ainsi un revenu 10 fois supérieur aux jeunes qui sortent de 4 années d'études chez elle. De manière plus générale, on peut suggérer que ces différentes filières en éducation et/ou réorientation professionnelle peuvent contribuer au développement du secteur tertiaire ou secteur des services à partir des deux capitales régionales que sont Kigali et Bujumbura. Dans le contexte actuel de ces deux pays, il est important de souligner que ce secteur tertiaire ou de services et toutes les initiatives qui contribuent à son développement peuvent avoir un impact positif sur le désenclavement des zones rurales surpeuplées.