Les Zimbabwéens étaient appelés aux urnes le samedi 29 mars 2008 pour des élections législatives et présidentielle. Si le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) peut d'ores et déjà se prévaloir de la majorité absolue des sièges, aux termes des résultats définitifs, personne ne peut dire ce que demain nous réserve, avec la présidentielle dont on ne connaît toujours pas d'issue officielle.
Les résultats des Législatives avaient été publiés dans le temps, accordant la majorité au parti de l'opposant Morgan Tsvangirai, qui a arraché 1.038.512 voix auxquelles il faut adjoindre les 203.146 remportées par une faction indépendante du parti. En face, le ZANU-PF de Robert Mugabe obtient 1.112.773 voix. Est-ce cela qui aurait mis la puce à l'oreille de ce président, au pouvoir depuis 28 ans, soit depuis 1980, et confronté ainsi au plus grand défi de sa carrière ? Son parti a en effet perdu là une majorité qu'il charrie depuis 28 ans à la chambre des députés, au profit du MDC qui dispose désormais de 109 des 210 sièges.
Une hyperinflation record à plus de 100.000 %
Du coup, la Commission électorale traîne les pieds, pas pressée du tout de proclamer les résultats de l'élection présidentielle, au moment où les Zimbabwéens semblaient enfin entrevoir le bout du tunnel, dans ce pays embourbé dans un marasme économique sans précédent, avec un chômage qui atteint les 80 % et une hyperinflation record à plus de 100.000 %, alors que les biens de première nécessité comme l'eau et l'essence ont disparu des magasins.
S'aménager une porte de sortie à moindres frais
La politique de désastreuse de redistribution des terres aux Noirs, dont le gouvernement a fait le centre de son discours, en brandissant le spectre d'une recolonisation, y est pour beaucoup.Six jours après ces élections, période au cours de laquelle les résultats devaient être publiés aux termes de la loi électorale, le plus vieux chef d'Etat africain, 84 ans, commençait un véritable marathon, d'abord en voulant s'aménager une porte de sortie à moindres frais, ensuite en faisant dire par le porte-parole du gouvernement, Bright Matonga, que « l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF) est prête pour un second tour et nous sommes prêts pour la victoire qui va en résulter ». Une déclaration qui tombait comme un cheveu dans la soupe, alors que les résultats du « premier tour » n'étaient jamais livrés, jetant du coup l'émoi aussi bien à l'intérieur de ce pays qu'auprès des observateurs.
Le lendemain, comme pour contrer le subterfuge, l'éternel opposant Morgan Tsvangirai se déclarait vainqueur des élections, lors d'une conférence de presse. Tous les ingrédients d'implosion et de crise tant redoutées étaient ainsi réunis. Se dirigeait-on droit vers le scénario à la kenyane ? Il n'y avait en tout cas qu'un pas à franchir.
Tentative manifestede manipulation des résultats
D'un côté le parti du président Robert Mugabe mettait en place une tentative de contre-attaque après le camouflet essuyé aux législatives, question de tâter la capacité de résistance de l'opposition, qui a vite anticipé la possibilité de manipulation électorale, en introduisant un recours judiciaire en urgence pour obliger la commission électorale à publier les résultats du scrutin.
Mais comme ayant digéré la flambée de violence qui a secoué le Kenya en décembre à l'issue d'élections controversées, on tente de calmer le jeu de part et d'autre, même si les forces anti-émeute ont été mises en alerte maximale et que le pouvoir et l'opposition s'accusent mutuellement de semer le chaos. On remarque, avec bonheur, que personne ne monte les enchères, s'évitant de lancer des mots d'ordre suicidaires aux partisans.
Dans ce jeu de ping-pong, on a longtemps cru que la réunion du bureau politique de la Zanu-PF, convoquée en urgence, devrait acter la décision du départ de Mugabe et décider du choix de son successeur. Il n'en a pas été ainsi. Du côté du MDC, on estime que le retard pris par la commission est une expression de la panique de la Zanu-PF. « Le peuple a parlé. Le MDC a gagné et nous espérons que la volonté du peuple sera respectée. Trafiquer les résultats ne changera rien », a déclaré son porte-parole.
Au Nom de la solidarité régionale, le président zambien, Levy Mwanawasa, qui préside la SADC, a convoqué un sommet extraordinaire « pour discuter des moyens d'assister le peuple zimbabwéen », qui attendait toujours, plus de quinze jours après le scrutin, les résultats de la présidentielle. Au moment de boucler l'édition, l'avenir politique du Zimbabwe restait suspendu à la décision d'un tribunal de Harare, qui doit se prononcer sur la publication immédiate ou non des résultats, face à l'opposition au Président Mugabe qui revendique la victoire.