L'Union des Comores est un Etat indépendant certes, depuis déjà 30 ans, mais qui s'est surtout distingué par une instabilité chronique et des crises politiques cycliques. Il l'a encore prouvé fin mars avec cette rébellion de Mohamed Bacar qui a pris en otage une partie de l'archipel, l'île d'Anjouan, dont il voulait unilatéralement déclarer l'autonomie.
Les forces de la coalition de l'Union Africaine ont mis fin le 25 mars à une rébellion aux Comores, précisément à Anjouan, où le président sortant de l'île faisant partie de l'Union des Comores, le colonel Mohamed Bacar, avait autoproclamé un Etat indépendant, en violation des prescrits de la Constitution régissant l'Union.L'armée des Comores, environ 400 hommes, est intervenue dans la nuit de lundi à mardi pour chasser les autorités de l'île jugées illégales, le palais présidentiel ayant été déserté après des combats à l'arme lourde. Dans cette opération, l'armée a été appuyée par 1.000 soldats des Forces de l'Union africaine, fournis par le Soudan et la Tanzanie, avec l'assistance de la Libye et du Sénégal ainsi que l'appui logistique de la France, sans rencontrer de résistance de la part de Force de gendarmerie anjouanaise, environ 300 hommes, dont la plupart sont restés fidèles au président autoproclamé de l'île.Depuis Moroni, capitale de l'Union des Comores située sur l'île de Grande-Comore, le président de l'Union, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, avait donné la veille l'ordre du débarquement « pour la libération d'Anjouan afin que le pays puisse s'engager sur la voie de sa reconstruction ». Il avait également estimé qu'« il ne s'agit aucunement d'un coup de force, mais du rétablissement de l'ordre constitutionnel », avant de promettre l'amnistie voire l'intégration au sein de l'armée pour ceux parmi les éléments rebelles qui ne combattraient pas.
Un pays rompu aux coups de force quasi annuels
Le colonel Bacar, 45 ans, avait été réélu en juin 2007 après avoir refusé l'ordre de Moroni et de l'Union Africaine de repousser les élections d'une semaine. L'île d'Anjouan qui avait fait prévaloir ses velléités d'autonomie était désormais considérée comme dissidente. Cette situation n'était pas une première, loin s'en faut, dans cette union habituée à des coups de force quasi-annuels. En effet, Anjouan avait déjà fait sécession en 1997 et, ironie du sort, c'est pourtant le colonel Bacar qui avait contribué au retour à la normale au sein de la fédération, en 2001.Après des mois de médiation avec les autorités d'Anjouan restée vaine, le gouvernement de l'Union des Comores a décidé de lancer une opération pour chasser du pouvoir le colonel Bacar, dont la réélection en juin 2007 n'a été reconnue ni par l'Union, ni par l'UA. Depuis, l'homme fort d'Anjouan avait refusé d'organiser un nouveau scrutin, voulant se maintenir à son fauteuil à tout prix. Le colonel Bacar avait pris le pouvoir à Anjouan lors d'un coup d'Etat en 2001. Il avait ensuite été élu président d'Anjouan le 31 mars 2002. Mais comme l'a déclaré le Président Sambi lors de la fête nationale, le 06 juillet 2007 : « l'Union des Comores, qui a toujours fait preuve de patience et qui a toujours privilégié le dialogue pour trouver des solutions aux défis lancés par les séparatistes anjouanais, depuis plus de 10 ans, doit aujourd'hui trouver les voies appropriées pour que notre pays retrouve la paix, la stabilité et le développement ». Dans l'espoir également que cette fois soit la bonne pour mettre définitivement un terme à la triste réputation de l'archipel de pays le plus actif au monde en termes de coups d'Etat.
Le Président déchu Mohamed Bacar prend la fuite et demande l'asile, avec ses complices
Alors que le ministre de la Justice de Mohamed Bacar et le Maire de la Ville de Ouani où se trouve l'aéroport d'Anjouan ont été arrêtés, tout comme les chefs de la milice, le lieutenant Said Ibn Toyb et le major Youssouf Abdallah, tous les gouvernants de l'île dissidente, au nombre de 23 parmi lesquels le Président déchu Mohamed Bacar, ont réussi à prendre la fuite et se sont réfugiés à la Réunion, où ils ont formulé une demande d'asile politique.
L'arrivée de Mohamed Bacar sur le territoire d'Outre-Mer français a généré des manifestations hostiles aux Comores et à Mayotte, au cours desquelles des Français ont été victimes de violences. Plusieurs sources en effet ont propagé que la France a exfiltré Mohamed Bacar d'Anjouan.
L'ombre du célèbre mercenaire français, Robert Dénard, alias Bob, décédé le dimanche 14 octobre à l'âge de 78 ans, a constamment plané sur les soubresauts qui ont émaillé l'histoire de l'archipel des Comores, mais aussi de toute l'Afrique et ailleurs. Après avoir sillonné le monde pour offrir ses services comme mercenaire, au Katanga sécessionniste sous Joseph Tshombe puis au Nord-Yémen et, dans les années 70, en Angola (1975), au Cabinda (1976) et en Rhodésie, l'actuel Zimbabwe (1977), c'est en effet aux Comores que Bob Denard clôturera sa longue épopée, qui durera 30 ans et qui fera de lui un personnage des plus controversés.
Il chasse Ahmed Abdallah du pouvoir en 1975 puis, trois ans plus tard, revient aux Comores pour le réinstaller à la tête de l'Etat après avoir renversé son successeur, Ali Soilih. Il est alors nommé commandant en chef des forces armées comoriennes et chef de la garde présidentielle de 1978 à 1989. Mais il se réfugie en Afrique du Sud lorsque Ahmed Abdallah est assassiné.
En 1993, il rentre en France pour une retraite qui s'averra agitée. C'est au cours de cette période qu'il monopolise une dernière fois l'actualité, lorsqu'il surprend les observateurs à la tête d'un commando pour un énième coup d'Etat aux Comores en 1995, manqué cette fois-ci.