Les élections ne sont pas synonymes de démocratie, a-t-on souvent entendu des analystes. Encore faut-il que chacun puisse respecter les règles du jeu démocratique. Cela s'est une fois de plus vérifié avec les suffrages au Kenya, plongé dans la violence ethnique après l'annonce, en décembre 2007, de la victoire du président sortant. Depuis, moult tentatives se sont succédé pour racoler le tissu national menacé dans la coexistence des divers groupes.
L'élection présidentielle au Kenya, que le Mouvement démocratique orange (ODM) considérait comme largement truquée en faveur du président Mwai Kibaki ne cesse d'accaparer l'actualité. Alors que le facilitateur, l'ex-secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), Kofi Annan, qui supervise les négociations en vue d'une sortie de crise, annonçait mi-février un accord de partage du pouvoir, le gouvernement kenyan a posé de nouveaux obstacles. Il a rejeté l'appel du président américain George Bush dans ce sens, en déclarant que ce genre d'accord n'était pas prévu dans la Constitution.
Kofi Annan avait indiqué que les parties ont renoncé à une réorganisation de l'élection présidentielle mais se sont entendues pour former un nouveau gouvernement. M. Annan a déclaré qu'il allait rencontrer le président Kibaki et le leader de l'opposition, Raila Odinga, pour leur demander de permettre à leurs équipes de négociations respectives de renoncer à la ligne dure qu'ils avaient adoptée durant le processus afin de faciliter un accord.
Le gouvernement qui a insisté sur le fait que la Constitution kenyane ne contenait pas de dispositions pour un gouvernement de coalition s'est néanmoins engagé à trouver des solutions immédiates et à long terme à la crise. A cet effet, les protagonistes ont convenu de se pencher sur les modalités de la formation d'un gouvernement de coalition selon des termes convenables.
Les points de désaccord pour le partage du pouvoir
Alors que M. Annan prévenait contre un revirement, qui pourrait avoir des conséquences évidentes comme en témoignaient les récentes tueries, les responsables de l'ODM exigeaint qu'un règlement politique de la crise tienne compte de leur majorité au Parlement et ont exprimé leur disposition à travailler sur un amendement de la constitution pour leur permettre d'obtenir le poste de Premier ministre. Ce parti réclame la création du poste de Premier ministre avec des pouvoirs exécutifs, mais le Parti de l'unité nationale (PNU) de M. Kibaki y est farouchement opposé et souhaite que le président ait toute latitude pour désigner qui il veut.
Les efforts de médiation ont néanmoins progressé sur la manière de régler la crise politique dans laquelle est empêtré ce pays d'Afrique de l'Est, ainsi que sur des mesures à long terme comme la création d'emplois pour les jeunes. L'élection présidentielle censée insuffler un sang nouveau aux Kenyans a finalement produit une explosion de violence, avec à la clé près de 1.000 morts et plus de 250.000 déplacés, qui appelle chaque partie à des concessions et à écouter la voix de la sagesse. Mais aussi celle des Kenyans, qui ne désirent certainement pas un nouveau décompte macabre.
Les contrecoups ressentis à mille lieux
Comme l'ensemble de l'économie, l'industrie touristique du Kenya qui rapporte près de 900 milliards de dollars par an en attirant plus d'un million de visiteurs a accusé le coup des émeutes et de l'incertitude politique. De même, les perturbations se sont avérées coûteuses pour les fournisseurs de denrées périssables, à l'instar des fleurs, dont le Kenya est le premier exportateur en Europe.
Les effets de la crise se sont aussi reportés sur les économies des pays de la région, tels l'Ouganda, le Rwanda le Burundi et la République démocratique du Congo, qui dépendent en bonne partie de Nairobi pour les importations essentielles, en particulier le brut. Aussi, grâce à la stabilité qui l'a jadis caractérisé, le Kenya a tiré profit de l'investissement privé, à l'origine de sa prospérité économique, à la base d'une croissance moyenne du PIB de 5% depuis 2002, qui devait croître pour atteindre 7 % les prochaines années. Mais la persistance de la crise a fait chuter la devise nationale qui a chuté de 7%. Michael Joseph, PDG de Safaricom, et parmi les 300 hommes d'affaires influents dont les entreprises représentent près de 80% du PIB du Kenya, a averti à cet effet les politiques qu'il ne pourrait y avoir de pays à gouverner ni d'entreprise à taxer s'ils ne faisaient rien pour la paix et la stabilité au Kenya. Qui dit mieux ?