Au congrès international sur la bioéthique tenu à Ouagadougou, Monseigneur Jacques Suaudeau a décrypté la bioéthique lors de son intervention. Nous vous proposons un extrait de sa conférence pleine d'informations sur le sujet.
Le mot de «Bioéthique» fait désormais partie de notre vocabulaire. Mais que veut-elle dire au juste ? Quelle est son histoire? Est-elle du domaine des spécialistes? Ou devons-nous tous être concernés? En quoi nous touche-t-elle comme chrétiens? Bioéthique: terme savant et mystérieux tout à la fois. Construit à partir de deux mots grecs, bios et ethos, il évoque vie et morale. La bioéthique, si l'on se fie à cette étymologie, serait donc la «morale de la vie». Ceci est un peu flou, et ne correspond pas à la réalité. Une définition assez orientante du mot «bioéthique» est celle donnée par l'Encyclopedia of Bioethics, un oeuvre en quatre volumes publiée en 1978 par l'Université Georgetown. Suivant cette définition on entend par bioéthique «l'étude systématique de la conduite humaine dans le cadre des sciences de la vie et de la santé, examinée à la lumière des valeurs et des principes moraux».
Son origine
La Bioéthique est née dans les années 70 d'un «cri d'alarme» lancé par des personnes étrangères aux sciences de la vie et aux sciences médicales devant les risques et les retombées négatives du développement des sciences biologiques et médicales, que les scientifiques et les médecins semblaient sous-estimer ou ignorer, ou ne pas vouloir contrôler. Avant, la réflexion éthique se pratiquait sous le nom de «Morale médicale» ou «Ethique Médicale». Point n'est besoin de rappeler l'origine hippocratique de cette réflexion, l'apport chrétien dont elle a bénéficié et l'héritage qu'elle a reçu de l'Illuminisme et du Positivisme sous forme d'une exigence humaniste et sociale qui la marque encore aujourd'hui. Mais les rapides développements de la médecine et de la biologie, à partir des années 60, ont apporté de nouvelles questions, concernant tout un chacun, et pas seulement les médecins et les scientifiques.
La «montée progressive du mouvement éthique» comme l'exprime Noëlle Lenoir remonte à la fin de la seconde guerre mondiale et a connu trois étapes: le procès de Nuremberg, les conventions internationales et la révolution biomédicale 1965-1980.
Problèmes posés aujourd'hui
La bioéthique est aujourd'hui une science bien établie, avec ses instituts, ses colloques, ses comités, ses revues spécialisées. Tout cela devrait rassurer: nous avons installé les gardiens du temple. La réalité est malheureusement différente: depuis la mise en palace des premiers instituts d'éthique, les initiatives dans les domaines de la biologie et de la médecine n'ont cessé d'aller de l'avant, accumulant les problèmes éthiques, sans que les comités ad hoc ne puissent faire d'avantage que chercher à limiter l'étendue des problèmes, dans des décisions de consensus souvent bien difficiles à atteindre. Parmi les problèmes éthiques les plus actuels, on peut citer:
Pour conclure
La grande question posée par tous ces développements, en particulier ceux issus des techniques de fertilisation in vitro, et ceux venant de la génétique, est celle-ci: tout ce qui est possible peut-il être permis? Or, on constate que ce qui est rendu possible par le progrès scientifique devient un jour ou l'autre, sinon pratique licite, du moins pratique courante, en sorte que le moraliste a l'impression d'assister à un spectacle sur lequel il n'a aucune prise: il a tout au plus le loisir de stigmatiser la folie humaine, en rappelant ce qu'on devrait faire et qu'on ne fait pas. Par exemple: la condamnation répétée par l'Eglise catholique des méthodes «artificielles» de contraception n'a guère empêché les femmes de prendre la pilule. Les mises en garde contre l'utilisation incontrôlée des techniques de fécondation in vitro n'ont pas empêché celles-ci de se développer à grande allure, ni empêché les utilisateurs potentiels d'imaginer les combinaisons les plus folles. Une fois qu'une technique devient disponible, elle est immédiatement mise sur le marché et il ne faut pas compter sur la sagesse des producteurs et des utilisateurs pour un minimum de restreinte. Le seul barrage est celui du rapport coût/bénéfice, qui a notamment conduit au retrait du RU 486 en France.