La Conférence pour la paix et le développement du Nord et Sud-Kivu, convoquée à Goma, s'est clôturée le mercredi 22 janvier 2008, après deux semaines de travaux, avec la signature d'un accord engageant les différentes factions. L'heure de s'atteler enfin au développement de ce pays appauvri mais aux multiples richesses a-t-elle enfin sonné ?
Après une décennie de turpitudes marquée par des guerres que l'on a cru interminables, la République démocratique du Congo vient une fois de plus d'inscrire une page de son histoire avec la conclusion d'une paix des braves, à la clôture de la conférence sur la paix et le développement, ouverte depuis le 6 janvier 2008 dans le chef-lieu de la province Nord-Kivu. En effet, c'est depuis 1996 que ce pays peinait à marquer ses repaires pour intégrer les rangs des pays normaux. Cette fois-ci serait-elle la bonne ? Les observateurs osent en tout cas le croire.
Ainsi, les représentants des groupes armés et des mouvements polico-militaires opérant au Nord et au Sud-Kivu (est) ont procédé, en présence du Président congolais Joseph Kabila, à la signature de l'acte d'engagement, à l'Université des Grands Lacs, par lequel ils promettent de cesser totalement et immédiatement les hostilités sur toute l'étendue des deux provinces.
Kambasu Ngeze, le chef de la délégation du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) du dissident Laurent Nkundabatware, le plus grand groupe armé responsable de l'insécurité et des massacres dans cette partie de la RDC, a été le premier à ratifier le document, suivi par les autres chefs de délégations à la tribune officielle. Les groupes armés actifs au Nord et au Sud-Kivu, dont les miliciens locaux parmi lesquels les résistants Mai-Mai, ont également paraphé le texte.
L'important document a ensuite été signé par le ministre de l'Intérieur Denis Kalume, au nom du gouvernement congolais, suivi par les responsables de la conférence, les gouverneurs et les présidents des assemblées des provinces concernées. Des centaines d'élus, de délégués des communautés ethniques, de la société civile, des groupes armés congolais actifs dans les Kivu, des membres du gouvernement et des représentants de la communauté internationale ont assisté à la cérémonie, qualifiée de «moment historique» par la télévision officielle qui a retransmis l'événement en direct.
Amnistie pour faits de guerre et insurrections
C'est en effet la première fois, depuis la longue série d'hostilités qu'a connues la RDC entre 1996 et 2003, que les groupes armés dans leur ensemble s'engagent collectivement et solennellement à un cessez-le-feu et à un désengagement progressif de leurs troupes sur le terrain.
Pour sa part, le président Kabila a promis que la Commission Vérité et Réconciliation sera mise en œuvre comme l'ont recommandé les participants, mais aussi que les institutions congolaises ne vont pas tarder à donner une suite aux résolutions de la conférence. Il a toutefois reconnu que d'«immenses défis» restaient à relever «pour rétablir la paix, la sécurité et le développement dans les Kivu».
Aux termes de l'acte d'engagement, qui balise la voie pour la concrétisation des efforts de développement que tente d'initier le gouvernement central, les parties concernées s'engagent à donner un ordre formel par écrit de cessation des hostilités à leurs troupes respectives, avec copie à la MONUC ainsi qu'aux organisations d'intégrations régionales SADC et CEEAC. Les signataires acceptent par ailleurs de s'abstenir de poser des actes nuisibles à la paix et à la sécurité dans les deux provinces.
Le génocide demeure imprescriptible
Par ailleurs, cet acte prévoit qu'une commission technique mixte «Paix et Sécurité», sous la facilitation de la Communauté internationale, sera instituée par le gouvernement congolais en vue d'examiner et finaliser le respect et l'application de l'acte. L'Exécutif congolais s'engage aussi à présenter à l'Assemblée un projet de loi d'amnistie pour faits de guerre et insurrectionnels, couvrant la période allant depuis juin 2003. Néanmoins, et c'est important de le préciser, la loi d'amnistie à initier ne couvrira pas les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide, aux termes de l'accord.
L'acte d'engagement, qui prévoit notamment un déploiement de Casques bleus et d'observateurs pour veiller au cessez-le-feu et sécuriser les populations civiles, devait ensuite être signé par des représentants des Nations unies, de l'Union européenne, des Etats-Unis, de l'Union africaine et de la Conférence des pays des Grands Lacs africains.
L'événement constitue un pas important pour ce pays potentiellement parmi les plus riches d'Afrique mais qui a été longtemps handicapé dans ses efforts, tant on sait que la RDC devrait occuper une place primordiale sur l'échiquier du processus d'intégration des économies africaines en vue du décollage du continent. Ceci, compte tenu notamment des fabuleuses richesses naturelles que regorge ce pays, mais surtout de ses potentialités en matière d'énergies propres, allant du gaz naturel jusqu'à l'hydro-électricité à même d'éclairer l'ensemble du continent et même un partie du monde.
Le camp Nkunda avait un temps bloqué la conférence, exigeant d'être associé à la direction du comité technique de suivi et réclamant une amnistie «pour crimes de guerre» afin de protéger Nkunda, inquiété par un mandat d'arrêt. Un compromis global avait finalement été trouvé en vue de parvenir à cette paix des braves.