Article publié le 2011-03-09 par Par Jamil Thiam Sport
Vice-président de l’association des entraineurs marocains, le technicien Faouzi Jamal prône la création d’un pont entre le Maroc et la Belgique [02/2011]
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Le football est devenu une discipline scientifique à laquelle le continent africain devrait s’adapter face aux exigences de performance actuelles. Tel est le viatique du technicien Faouzi Jamal, cet ancien international Marocain, devenu entraineur. Connu pour sa rigueur tactique, il oeuvre au sein de l’association des entraîneurs marocains diplômés en Belgique (AEMDB) dont l’objectif est de former des entraineurs formateurs afin d’adapter la philosophie du football marocain au plus haut niveau. Initiateur du FEFA, il est aujourd’hui au coeur du dispositif de formation de 150 jeunes joueurs dont 19 nationalités différentes à travers le concept : jouer au football, étudier, coacher, encadrer et devenir

Présentez-vous à nos lecteurs

Je m’appelle Faouzi Jamal (FJ) j’ai 44 ans marié père de 4 enfants. Je suis en Belgique depuis 1996. Au début, j’étais venu spécialement pour faire une formation à l’école des entraineurs après une carrière de footballeur qui a duré de 1984 à 1996 au club du Mouloudia d'Oujda. J’étais professeur d’éducation physique et en même temps joueur de football.

LNA : Pourquoi avoir opté pour une carrière d’entraineur ?

FJ : Je pense que c’est dans la continuité. Après une carrière de joueur, j’ai cru normal de faire cette expérience d’entraineur vu que j’étais professeur d’éducation physique. J’ai continué dans cette optique pour enseigner le football. Activité que j’aime beaucoup.

LNA : En tant que membre fondateur de l’Association des Entraîneurs Marocains Diplômés en Belgique, parlez nous de l’association ?

FJ : En ma qualité d’entraineur de football, j’ai eu l’idée de mettre en place une association regroupant tous les entraineurs marocains de tous les niveaux. J’ai proposée l’idée à des amis. Un ami qui est actuellement le président en l’occurrence Hamid El Filahi y a vraiment adhéré. Je l’ai proposée à plusieurs personnes mais c’est lui qui est le premier à s’approprier, avec enthousiasme, de l’idée d’association. Aussitôt, on a mis en place la structure dénommée l’Association des Entraîneurs Marocains Diplômés en Belgique (AMDB). Elle englobe en effet tous les entraineurs quel que soit le niveau du diplôme du C au A dans l’optique d’apporter notre connaissance surtout à notre pays d’origine, le Maroc. Nous voulons ainsi créer un pont entre le football africain en général et le football belge. En réalité, l’approche footballistique a beaucoup évolué ces 20 dernières années. Le football est devenu une approche scientifique. On doit apprendre. Car, comme le dit l’adage, ceux qui cessent d’apprendre, cessent d’enseigner. Dans ce secteur, on fait de la recherche et à travers cette association on veut apporter nos compétences à notre pays dans une perspective de construction du football. Le football évolue dans le continent africain. Néanmoins, même s’il suit le modèle européen, le niveau est encore faible. L’association contribue à la reconstruction du football marocain et africain en général.

LNA : Est-ce que les objectifs de l’association sont jusque là atteints ?

FJ : L’association est dans une phase de développement de son projet. Nous avons mis en place l’association. Aussitôt, on a pris langue avec la fédération belge de football. Aussi, on a parlé avec la fédération marocaine de football qui est très intéressée pour un partenariat avec l’association. Concrètement, on n’a pas encore commencé à travailler mais la démarche est déjà bien mise en place.

LNA : Quelles sont les orientations de l’association en matière de formation ?

FJ : Nous sommes entraineurs de football, on va apporter nos connaissances à notre pays d’origine via la mise en place de formations au profit des entraineurs locaux. Ceci, à travers les quatre composantes : l’éthique, le physique, la tactique et le mental. On compte aller au Maroc et donner des formations sur place aux entraineurs. Cependant, on ne veut pas concurrencer la fédération marocaine qui fait aussi ce travail.

LNA : Quel est le nombre de marocains évoluant en Belgique ?

FJ : Ces dernières années, on voit quelques apparitions. J’y insiste parce que les étrangers ont d’énormes difficultés pour réussir dans le football. On connait les causes. On peut les citer. Il y a le racisme, le non suivi de parents que ce soit du footballeur né en Belgique ou de l’émigré. Mais, il y a eu les apparitions remarquées de Boussoufa, élu quatre fois meilleur joueur de Belgique. C’est un exemple que les jeunes doivent suivre. Il y a aussi Fellaini qui est international belge, Carcela, Nabil Dirar etc.

LNA : Qu’est ce que vous pensez du cas Carcela?

FJ : Il a fait un choix de coeur. Il a choisi le pays d’origine de sa maman puisque son papa est espagnol. Normalement, je crois que pour tout sportif, on doit accepter son choix quelle que soit la situation. Mais son choix doit être juste et réfléchi. Et le joueur a pris ses responsabilités dans son choix.

LNA : Quels conseils, donnez-vous à d’autres joueurs ?

FJ : Ce sera toujours un choix difficile par rapport aux jeunes. D’autant plus que les choix se font de manière émotionnelle mais aussi rationnelle. Un choix doit être conséquent par rapport au joueur pour qu’il ne regrette pas à l’avenir. Ceux qui l’entourent doivent aussi l’aider et l’aiguiller en balisant le chemin et ne pas surtout l’imposer. Qu’on choisisse la Belgique ou le Maroc, ce sera toujours le choix du joueur.

LNA : Quels types de partenariat faut-il développer avec les autorités sportives belges et marocaines ?

FJ : On a fait plusieurs rencontres pour présenter l’association au Maroc. On a remis le dossier avec tous les objectifs à Mr Moncef Belkhayat, ministre de la jeunesse et des sports, au président de la fédération royale marocaine de football et aux journalistes. En tout cas, l’association est bien connue au MAROC. De même, nous avons soumis le dossier à la fédération belge de football. Mais, pour le moment la nature des relations et du partenariat ne sont pas encore établis. Pendant les vacances de Noel, l’association a rencontré le sélectionneur national du Maroc, Eric Gerets. Il nous a reçus chez lui et il était très intéressé par ce que nous faisons. Il adhère à cet effet aux grandes orientations de l’association.

LNA : Avez-vous contribué au choix du belge, Eric Gerets à la tête de l’équipe nationale du Maroc ?

FJ : Je crois que le Maroc, ces dernières années, n’a jamais eu de problèmes de footballeurs. On a toujours eu d’excellents joueurs. On les voit évoluer partout en Europe. Aujourd’hui, il y a Hadji, El Hamdaoui, Chamakh, Boussoufa etc. La seule chose qui a manqué avant c’était la communication. C’était des joueurs qui venaient d’horizons divers ; de la Hollande, de la France, de l’Allemagne, de la Belgique etc. Il n’y avait pas cette symbiose au sein du groupe. Le choix de Gerets est très réfléchi parce qu’il parle plusieurs langues. En sus, c’est quelqu’un qui sait gérer un groupe. Il est bien techniquement aussi. Et c’est la première que la Fédération Royale Marocaine de Football met en place des objectifs à long terme. Alors qu’avant on travaillait dans l’aléatoire et le hasard. Mais, il faut que le peuple soit patient et apprenne à supporter les joueurs. On ne peut pas construire une équipe en un ou deux ans. Il faut nécessairement un travail de fond. En réalité, la fédération a mis en place une politique sportive. En exemple, elle envisage d’initier un championnat professionnel avec une administration de qualité. C’est la première fois qu’il y a cette volonté royale et gouvernementale sur la gestion et l’évolution du football au Maroc.

LNA : Est-ce qu’on peut parler de renouveau du football marocain ?

FJ : Je ne pense pas qu’une personne (Eric Gerets), à elle seule, peut tout faire, quel que soit le pays. L’équipe nationale, ce n’est qu’un fruit dans un arbre. Pour que l’arbre donne de bons fruits, il faut l’entretenir et bien le traiter. L’arbre, c’est le football marocain. Essayons de construire d’abord dans les clubs en mettant en place des politiques sportives adéquates. Aujourd’hui, l’équipe nationale n’est pas représentative du football marocain dans la mesure où tous les joueurs de l’équipe ont été formés en Europe. Le football est devenu universel. La production doit émaner de la base. L’approche doit être culturelle par rapport au pays. Et pour le moment le Maroc n’est pas producteur de footballeurs de haut niveau mais plutôt consommateur. Nous devons mettre en place une philosophie pour évoluer. Créer des écoles de formation et former les formateurs (les entraineurs) qui vont former après leurs jeunes. Lorsque le football est malade, il faut le soigner après avoir bien diagnostiqué le mal. Il nous faut des entraineurs spécialistes qui doivent avoir une vision futuriste pour des joueurs de qualité demain.

LNA : Parlez nous du projet Fefa avec Anderlecht que vous aviez initié ?

FJ : C’est un projet qui s’appelle Fefa qui signifie Football Etudes Familles Anderlecht. Les enfants inscrits chez nous ont l’obligation de présenter leurs bulletins pour qu’on voie leurs résultats afin de mettre en place une politique de suivi scolaire spécifique. C'est-àdire voir les problèmes scolaires auxquels ils sont confrontés. Si le jeune a des difficultés dans une matière, il est obligé de venir trois fois par semaine à l’école de devoir et trois fois par semaine aux entrainements. Tous les jeunes inscrits dans le projet FEFA bénéficient d'un suivi scolaire avec, comme outil principal, une école de devoirs organisée dans les locaux de l'Athénée Leonardo da Vinci. C’est un projet global dont l’ambition est de permettre à l’enfant de jouer au football, d’étudier et de devenir citoyen modèle. Ce projet a pour mission de favoriser l'insertion sociale et l'épanouissement des jeunes par le sport. Constitué en asbl, ce projet compte trois partenaires : la Commune, le Royal Sporting Club Anderlecht et l'Athénée Royal Leonardo da Vinci. J’ai commencé ce projet tout seul en 2004. En 2005, un directeur administratif est venu m’accompagner puis un psychologue pour toutes les questions d’ordre psychosocial. J’ai aussi un collaborateur qui m’assiste dans ma tâche administrative. On est quatre personnes tous des employés de la commune. Fefa encadre en effet 150 enfants de 19 nationalités, constitués en 8 équipes, réparties en 6 catégories et on joue sous le matricule du Royal sporting club d’Anderlecht lors de matchs du championnat de l'Union Belge de Football. Âgés de 6 à 20 ans, ils sont issus de l'Athénée, du quartier de Cureghem et du reste de la Commune ont officiellement endossé le maillot mauve et blanc. Dans mon souci de début, c’était de sortir les enfants de la rue et de les encadrer au plan sportif pour en faire des citoyens de demain. En outre, avec le projet Fefa, les jeunes et leur famille peuvent bénéficier d'un accueil psychosocial et administratif afin de résoudre des problèmes scolaires, personnels ou familiaux.