«Et si les Africains de la diaspora étaient des acteurs de développement de l'Afrique ?'', s'interroge M. Yao Assogba, Sociologue et professeur à l'Université du Québec. Selon lui, le terme «diaspora» vient du grec sporo signifiant «graine» ou speira «semer» et qui, à l'origine, était utilisé pour désigner «la dispersion des établissements helléniques autour de la Méditerranée depuis des temps anciens». La notion de diaspora désignait ainsi la migration des savants grecs expatriés et diffusant a travers le monde la culture hellénique.
Dans le domaine des Sciences, l'émigration des savants ou « l'exode des cerveaux » est en effet un fait historique bien connu dans l'Antiquité grecque. Dans la tradition biblique, le terme a ensuite été utilisé pour désigner la «dispersion des Juifs» puis celle des peuples ne disposant plus de territoire national autonome, comme les Palestiniens ou les Kurdes. Mais depuis 1980, la géographie a recours à cette notion pour nommer les communautés nationales migrantes en interaction entre elles et avec le pays d'origine. De manière générale l'on met en évidence trois secteurs dans lesquels s'opère l'interaction diaspora-pays d'origine: le secteur du développement local, le secteur des affaires et le secteur de science et de la technologie. Ce présent article, qui sera approfondi dans nos prochaines éditions, se limitera à aborder le premier secteur.
Diaspora et développement local : Bilan et perspectives
Nadine Muteba dans Transferts financiers des migrants congolais, de la Belgique vers la RDC (octobre 2005), souligne que d'après Orozco, il y a cinq clés déterminants de l'engagement transnational qu'il appelle les« 5T »: transferts, tourisme, transport, télécommunication et nostalgic trade. Néanmoins, ces T5 n'ont pas connu une grande expansion en RDC pour la simple raison que les Ong et les asbl ne travaillent pas en synergie.
A ce sujet le président de «Africagora», Doga Dogoui France, se demande dans Union africaine-Diaspora africaine, paru en septembre 2007: « Faut-il continuer à parler de la Diaspora africaine ou des différentes diasporas africaines, organisées et souvent très structurées par pays ? » Par exemple, les diasporas malienne, sénégalaise, béninoise, togolaise, ou camerounaise en France s' organisent par région d'origine pour soutenir par le transfert le budget de leur famille, des projets villageois, la rentrée scolaire ou les soins médicaux.
L'Afrique de l'Ouest comme modèle
Les Ong de l'Afrique centrale de Belgique ou de France par exemple devraient calquer leurs actions sur celles de l'Afrique de l'ouest, qui ont à leur tête une grande structure, «africagora», et qui ont soutenu des projets comme la construction d'écoles, l'implantation d'énergie solaire, les hôpitaux, l'adduction d'eau. Mais les Ong congolaises en particulier et de l'Afrique centrale en général sont plus dans le développement économique et socio-culturel et, in concreto, rien n'est palpable. Nous pensons ainsi qu'il faille, en 2008, apporter un grand changement dans la politique et la coordination de ces associations.
Dembele Moussa, dans Financement du développement et ses alternatives : le rôle des mouvements sociaux et politiques, constate que dans certains pays africains, les contributions des émigrés ont dépassé l'aide publique au développement octroyée par les pays hôtes .Dans les années 1990, ces contributions se sont chiffrées, pour le Sénégal, à 132 millions de dollars contre 250 millions pour l'aide publique française, 25 millions de dollars pour le Mali contre 93 millions et 25 millions de dollars apportée par la diaspora ivoirienne contre 35 millions.
En '94 pour le Sénégal, les envois de ses ressortissants en France étaient équivalents aux exportations des produits d'arachide. Cependant en 2007, le président de Fondation africaine pour le développement (Afford), Gibrill Faal, affirme que « les fonds ne sont pas affectés aux secteurs productifs créateurs de richesses et d'emplois, mais souvent dans des dépenses de prestiges.
Pour une meilleure prise en compte de l'apport de la Diaspora
Par ailleurs, la directrice générale adjointe de l'Organisation internationale des migrants (OIM), Mme Ndioro Ndiaye, ajoute que l'argent envoyé par les femmes migrantes est souvent « utilisé pour l'éducation et la santé» des membres de familles restés au pays, tandis que celui des hommes sert au prestige personnel du migrant ».
Pour Ezzine Abdelfattah, professeur à l'Université Mohamed V, il y a un «manque de visibilité totale» des politiques d'émigration des Etats africains. Ce sont les compagnies de transfert qui sont les grands bénéficiaires de ce désordre, s'entretuant à coups de milliards dans une concurrence aigue pour s'assurer le monopole et se délecter des bénéfices élevés qu'elles tirent de leurs activités.
N'est ce pas là des ressources importantes de la diaspora qui s'envolent par manque de programmes dans ce domaine ? Et si ces multinationales appartenaient à l'Union africaine pour le financement de ses projets ? Selon la Banque Mondiale, la manne financière des transferts d'argent des migrants constitue la seconde source de financement des pays en développement après les investissements directs et avant l'aide publique. Elle représentait un volume de 230 milliards de dollars en 2005 et se trouve en croissance constante. Ajouter à cela les intérêts versés auprès des sociétés de transfert, l'Afrique n'a plus les raisons de solliciter l'aide au développement parce qu'elle peut s'autofinancer en mettant en place des structures fiables.